Voyelles, 1872

Voyelles marque une progression dans la quête d’une nouvelle langue, dans la mobilisation de tous les sens par une langue neuve plus que par une signification.

Le manuscrit est conservé au musée Rimbaud est présenté en rotation dans la salle des manuscrits. La Bibliothèque Nationale de France en conservé un autre exemplaire recopié par Paul Verlaine à l’automne 1871. La première publication date de 1883 dans la revue Lutèce.

A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles,
Je dirai quelque jour vos naissances latentes :
A, noir corset velu des mouches éclatantes
Qui bombinent autour des puanteurs cruelles,

Golfes d'ombre ; E, candeur des vapeurs et des tentes,
Lances des glaciers fiers, rois blancs, frissons d'ombelles ;
I, pourpres, sang craché, rire des lèvres belles
Dans la colère ou les ivresses pénitentes ;

U, cycles, vibrements divins des mers virides,
Paix des pâtis semés d'animaux, paix des rides
Que l'alchimie imprime aux grands fronts studieux ;

O, suprême Clairon plein des strideurs étranges,
Silences traversés des Mondes et des Anges :
- O l'Oméga, rayon violet de Ses Yeux ! -

Arthur Rimbaud